C’est entendu. Avant les
législatives, motus ! L’inévitable débat sur « les causes de la
défaite » aux élections présidentielles, aura bien lieu. Du moins on
l’espère. En attendant, les socialistes sont appelés à resserrer les rangs
derrière leurs candidats, histoire de limiter la casse voire de créer la plus
incroyable surprise de la Vème
république : une victoire de la gauche 6 semaines après l’élection d’un
président de droite !
Reste, et c’est humain, que
certains ont du mal à garder le silence. Chacun y va de son couplet sibyllin ou
de sa proposition d’avenir (la désignation du futur candidat de 20012…en 2007,
la création d’un grand parti, etc…). En tout cas, tous promettent (comme après
chaque défaite d’envergure) d’engager la nécessaire « rénovation » ou
« modernisation » de la gauche. Et si le flou domine relativement au
contenu de cette révolution à venir, les commentateurs se hâtent d’indiquer la
marche à suivre. Tout ce que la presse de centre gauche compte de grands esprits
entonne le même refrain : il est temps que le PS français s’aligne sur le
reste de la « social-démocratie européenne ».
Ah, la bonne vieille
social-démocratie « qui marche partout en Europe » ! Ah, l’immense
SPD allemand, allié à Angela Merkel ! Ah, le successfull new labour, apôtre
du libéralisme à visage humain ! Ah, le grand parti à l’italienne où
les raisonnables, emmené par le tiédasse
Prodi, issu du catholicisme modéré, contrebalancent les éléments radicaux de la
« gauche traditionnelle ». On nous le dit : il est temps que les
socialistes « accomplissent leur mue », « entrent de plain pied
dans la modernité », et sortent enfin de leur indécrottable archaïsme.
Rien de nouveau sous le soleil. Déjà, en 1995, à l’occasion du plan Juppé sur
les retraites, les mêmes exhortaient les socialistes à la
« mutation », c’est à dire la transformation du PS en une
organisation de centre gauche. Un
scénario qui présente un avantage pour ses promoteurs : c’est toujours le
centre qui décide et gouverne, la gauche se contenant de ramener au bercail les
électeurs sceptiques au moment des scrutins.
Et qu’importe si la réalité n’est
pas tout à fait conforme à la légende colportée par nos analystes : la
social-démocratie à l’européenne se fait étriller joyeusement, incapable de
protéger son électorat contre les ravages de la mondialisation. Des partis de
la gauche protestataire naissent comme des champignons. Et les politiques
menées par nos camarades modernes font pâlir d’envie nos Raffarin et
Villepin : Ah la retraite à 67 ans en Allemagne ! Ah l’encouragement
à la flexibilité du marché du travail en Angleterre ! Le message est
clair. Comme « partout en Europe », pour gagner face à une droite
décomplexée, il faudrait une gauche honteuse. Nous sommes quelques uns à en
douter.