Politique de classe
On en le dira jamais assez : le passage au quinquennat combiné à l’inversion du calendrier électoral restera dans l’histoire de la Vème République comme l’initiative la plus désastreuse prise par la gauche en matière institutionnelle. Ce dispositif anti-cohabitation constitue l’ultime étape d’un ralliement aux institutions gaullistes dans ce qu’elles ont de plus néfastes. Au nom de la cohérence politique, la gauche s’inscrit dans une logique qui lui a longtemps été étrangère : la personnalisation absolue du pouvoir et l’effacement du législatif derrière l’exécutif. Tout procède désormais de la présidentielle, les élections législatives apparaissant comme une formalité ayant pour seule vocation de confirmer le résultat de celle-ci.
Dès lors, après la victoire de
Sarkozy, le candidat de la gauche à la députation rame sérieusement, contraint
d’appeler les électeurs à démentir en juin ce qu’ils ont décidé en mai. Et le
seul argument de type démocratique ne suffit pas. Adjurer les citoyens « à
ne pas mettre tous les œufs dans le même panier », c’est juste mais pas
suffisant. Au-delà du combat contre une concentration excessive du pouvoir, il
faut en revenir en fondamentaux. Et alerter notre base sociale sur des sujets
qui la concerne au premier chef.
Rappelons que seuls 400.000 ménages profiteront de l’abaissement du bouclier fiscal à 50%. Rappelons également que l’exonération des droits de donation et de succession ne favorisera que les 15 % de Français les plus fortunés (les autres étant déjà exonérés compte tenu de leur patrimoine modeste, ou pas concernés car…sans patrimoine !). 10 % des ménages détiennent 50 % du patrimoine : voilà la seule clientèle qui pourra se satisfaire des mesures gouvernementales ! Incroyable culot de ceux qui prétendent réhabiliter le travail et qui commencent par favoriser l’héritage et la rente !
Cette politique de classe (comment l’appeler autrement ?) a un deuxième volet : les réformes du code du travail. Le dégrèvement de cotisations sociales et d’impôt sur les heures supplémentaires ne bénéficiera ni aux travailleurs précaires, ni même la majorité des salariés à temps plein qui ne décident pas de leur temps de travail. De même, l’institution d’un contrat de travail unique fragilise les titulaires d’un CDI, puisque, de l’aveu même de ses promoteurs, il s’agit plutôt de généraliser le contrat « nouvelles embauches » à tous les salariés.