Il en est des campagnes
présidentielles comme de certaines courses cyclistes : il faut savoir
gérer les moments de faux plats. A six semaines du premier tour, nous sommes
encore dans une phase d’observation. Les principaux candidats ont décidé de
remettre à plus tard la confrontation directe (« pas de polémique »)
et se bornent, pour l’instant, à présenter leurs programmes respectifs. Si les
candidats du peloton de tête donnent le sentiment de jouer l’attente, c’est que
la situation politique est terriblement incertaine. Il faut patienter jusqu’à
la mi-mars pour connaître la liste définitive des compétiteurs. Or celle-ci
détermine les stratégies du sprint final. Autre point qui incite à la
prudence : si les enquêtes d’opinion croient deviner un fort intérêt des
français pour la présidentielle, elles indiquent aussi que l’indécision des
électeurs n’a jamais été aussi forte. D’où la prudence des impétrants,
préoccupés avant tout de commettre le « faux pas » fatal.
Il faudra bien pourtant sortir de
cette « séquence », car un débat anesthésié débouche souvent sur une
grosse (quelquefois mauvaise) surprise. Et livrer pleinement bataille. Pour ce faire, la candidate du PS a des
atouts non négligeables. Il faut d’abord dénoncer la double imposture
Bayrou-Sarkozy. Chacun s’accorde pour constater l’aspiration réelle des
Français au renouvellement des dirigeants et des politiques. Or il y a quelque
chose de colossalement paradoxal à vouloir incarner la « rupture »
lorsque l’on est…sortant.
Sortant, Sarkozy, qui est
ministre depuis 5 ans. Le gouvernement auquel il appartient fait exploser les
records d’impopularité. Sa politique a été maintes fois sanctionnée, dans la
rue et dans les urnes. Sortant, Bayrou, qui se veut le porte parole des
« anti-système » alors qu’il a voté la quasi-totalité des réformes de
Raffarin et Villepin.
Il ne faut pas se priver de
dénoncer cette imposture. D’autant que, sur le terrain idéologique, l’heure est
plutôt à la redécouverte de thématiques chères à la gauche. En 2002, la
question de l’insécurité avait empoisonné la campagne des socialistes, jugés
laxistes et incompétents dans ce domaine. Aujourd’hui, les questions sociales
occupent l’actualité : pouvoir d’achat, rôle de l’Etat dans l’économie,
réponse aux plans sociaux et aux délocalisations, avenir des services publics.
Sur toutes ces questions, la gauche est plus crédible qu’un libéral ou un
démocrate-chrétrien, tous deux anciens ministres d’un certain Edouard Balladur.