Trou d’air ?
Les commentateurs sont d’humeur changeante. Après des mois de lune de miel, les journalistes osent quelques critiques à l’encontre de la campagne de Ségolène Royal. Certes, rien de bien méchant. Mais le chœur des extasiés se fait plus discret. Il faut dire que Nicolas Sarkozy est entré en scène. Gros meeting, discours fleuve, programme béton, allégeance des grands féodaux : on redécouvre que la droite existe dans ce pays, et que son candidat n’est pas forcément maladroit. Les sondages tiennent compte de cette nouvelle donne : après son investiture, Sarko gagne quelques points, Royal en perd une poignée. Tout cela est d’une banalité absolue mais suffit, semble-t-il, à en inquiéter certains. Au point que les proches de la présidentiable se laissent aller à quelques états d’âme. Peillon évoque « un trou d’air » dans la campagne, et Montebourg se saborde pour un bon mot. Hollande lui-même éprouve des difficultés à se synchroniser avec la candidate. Bref, l’état de grâce est passé.
Est-ce vraiment étonnant ? A
l’évidence, non. Toutes les campagnes électorales connaissent ces moments de
faux plat. Est-ce que cela va durer ? Cela dépend exclusivement…de la
candidate. Le parti n’est pas en cause. Les militants attendent, l’arme au
pied, d’en découdre avec la droite. Si l’on constate ça et là un manque
d’entrain, ce n’est pas un problème de matériel de campagne. Le piège des
débats participatifs, de la phase d’écoute, c’est qu’ils imposent aux
socialistes une discrétion programmatique de plusieurs semaines. Or, en face,
l’UMP balance proposition sur propositions. François Hollande a bien senti le
danger. D’où sa sortie sur la fiscalité. En affirmant que la gauche reviendrait
sur les baisses d’impôts décidées par la droite, le premier secrétaire n’a fait
que rappeler le texte du projet socialiste voté par les adhérents. Le hic,
c’est qu’il s’est fait immédiatement rabrouer par le porte parole de la
candidate et, à mots couverts, par la candidate elle-même. Quand Julien Dray
conteste la proposition de Hollande sur le fond en expliquant, sans rire, que
« ceux qui gagnent beaucoup, pour [lui], c'est au-dessus de 4.000 euros », il y a des cartons jaunes qui se
perdent. La moitié des Français gagne moins de 1500 € net par mois.
3 % de la population active gagne plus de 3400 € net par mois. L’objectif
de redistribution passe par la prise en compte de cette réalité sociale.
Nous l’avons écrit :
Ségolène Royal a de fortes chances de l’emporter. Nous n’aurons pas
l’impertinence de demander : gagner oui, mais pour quoi faire ? Cette
question, pourtant, les Français se la posent. La prise en compte de
l’aspiration au renouvellement ne suffit pas. Il faut indiquer un chemin, une
orientation, une stratégie. Nos concitoyens sont sûrement heureux d’être
écoutés. Ils sont aussi en attente de réponses. Le projet socialiste, si
imparfait soit-il, contient des pistes de réformes crédibles. Il est temps de
les mettre en exergue.