Giesbert, le petit rapporteur de la droite française, dresse, dans son dernier
opus, la Tragédie d’un président, un portrait acide et un rien désabusé de son
camp d’élection. Vachard et partial, il assassine Chirac et Villepin pour mieux
rehausser Sarkozy, le seul, selon lui, à pouvoir procéder à la rupture libérale
tant attendue.
Si le livre trouve un écho
favorable (il se vend comme des petits pains), c’est évidemment parce qu’il
regorge d’anecdotes qui se veulent croustillantes (en réalité, la plupart sont
éventées depuis de lustres : Chirac grand bouffeur et grand baiseur devant
l’éternel, quel scoop !). C’est aussi parce qu’il participe de
l’entreprise de démolition du clan chiraquien qui occupe le pouvoir depuis près
de 10 ans : le tir sur ambulance reste un sport populaire. C’est, enfin,
parce qu’il exprime, d’un point de vue de droite, une certaine lassitude devant
le spectacle de la vie publique française : alternances systématiques
depuis 1981, personnel politique plutôt médiocre, morale douteuse des
puissants.
Giesbert aurait pu (dû ?) en
rester là. Son livre aurait constitué un intéressant témoignage, un recueil de
« choses vues » (entendues) utile pour ses contemporains.
Hélas, l’ancien grand maître du Figaro nous inflige des tonnes de
commentaires sur cette incurable « maladie française » :
l’allergie supposée de nos compatriotes aux « réformes », la
réticence aux « changements » nécessaires, l’archaïsme » d’un
peuple congénitalement rebelle,
incapable de s’adapter aux exigences de
la « modernité ». On connaît par coeur ces radotages de vieille
bigote libérale. Le référendum du 29 mai a suscité nombre d’interprétations du
même acabit, à droite comme à gauche. Mais, à l’heure de la grande mobilisation
sociale contre le CPE, elles doivent être considérées avec attention.
Persuadé qu’il a rendez vous avec
son destin, Villepin campe un personnage ferme et déterminé qu’il voudrait
gaullien : hélas pour lui, personne n’est dupe de cette posture grotesque.
Du Général, le premier ministre n’a que la fatuité. Pour le reste, il apparaît
tel que le très sarkozyste François Olivier Giesbert le décrit dans son dernier
livre (la droite, c’est la droite qui en parle le mieux !) : un petit
politicien ambitieux, autocentré et autiste.
Notre pays est dirigé par un
Rodomont de troisième zone. Et c’est là son drame. Mais les bons esprits
préfèrent voir avant tout dans la crise actuelle une preuve supplémentaire de
l’ « archaïsme » et du « conservatisme » de la société
française.